En 1971, la danse l’a amenée à l’élection de Miss Tahiti et l’année
suivante à la place de première dauphine de Miss France. Pour rien au
monde elle n’aurait laissé ces concours l’empêcher de danser. « J’ai
refusé d’être élue Miss France parce que j’avais mon fiancé à Tahiti et
aussi parce que je voulais partir en tournée au Japon avec le groupe
Maeva Tahiti », explique Jeanne Burns.
Peu de temps avant la cérémonie finale du concours de 1972, Miss France
1971 était venue la voir. « Tu finiras sur la première place du
podium », lui avait-elle confié.
Les trois copines élues
« Les filles n’avaient pas autant d’avantages que maintenant », se
souvient Jeanne Burns. Déjà qu’elle avait trouvé « la France un peu
triste » en débarquant à Paris en pleine grisaille, Jeanne Burns ne se
voyait pas y rester. Alors, quand on lui a annoncé qu’elle serait la
gagnante, elle a répondu que ce n’était pas possible, qu’elle ne voulait
pas rester.
Claire Leverd a été à l’origine de ses succès dans les concours de
beauté. Quelque temps après avoir intégré Jeanne Burns dans son groupe
de danse elle l’a inscrite à Miss Tahiti. « Un jour elle est venue nous
voir, moi et deux copines, Tatoune et Moea. Elle nous a dit « je vous ai
inscrite à Miss Tahiti ». Elle avait dix sept ans et demi. « Claire
Leverd m’a initié à la danse, elle m’a envoûtée. Avant de la rencontrer,
je dansais en cachette devant mon miroir », se souvient-elle. Les trois
belles vont au concours en rigolant, avec l’inconscience de la jeunesse.
Retardées par des copains qui les invitent à boire du champagne, elles
arrivent les dernières pour se préparer avant la grande cérémonie à
l’hôtel du Tahaara. « Claire était en rage », rigole-t-elle en se
souvenant de ces instants. « On commençait à sortir, on avait des petits
copains, on devenait plus sûres de nous. On n’était pas du tout
stressées ». Au final les copines raflent la mise. Jeanne est élue Miss
Tahiti, Moea, 2ème dauphine, et Tatoune, 3ème
dauphine. Carton plein. « Je m’y attendais un peu. Cela peu paraître un
peu prétentieux mais c’est vrai », dit-elle.
Une banane entrée dans l’histoire
Petite anecdote qui est entrée dans la mémoire des concours de Miss
Tahiti : les plus anciens se souviennent de l’histoire de la banane. Ils
en rigolent encore. A un journaliste télé qui lui avait demandé ce
qu’elle préférait, jeune ingénue, elle répondit « la banane ».
L’histoire fit le tour de la Polynésie.
Le titre en poche l’adolescente devient alors un peu rebelle. « Le
comité voulait me faire faire plein de choses. Mais moi, je voulais
danser ». Elle se souvient qu’un jour on lui a demandé d’aller
accueillir Johnny Hallyday à l’aéroport. « Je n’ai pas voulu. Ce n’était
pas le président de la République. Pourquoi fallait-il se déplacer pour
lui et pas un autre ? ». Du coup se sont ces deux amies dauphines qui
s’y sont collées.
Bien qu’angoissée de devoir aller en métropole pour l’élection de Miss
France, elle tente l’expérience l’année suivant. Elle garde un bon
souvenir de Geneviève de Fontenay, qui, déjà à l’époque, s’occupait des
plus jolies filles du pays. « Elle a toujours été correcte avec nous. Je
l’ai beaucoup aimée », se souvient-elle. Après l’élection, la dame au
chapeau, sachant que sa protégée va partir au Japon, lui propose de
s’inscrire à l’élection de Miss Internationale. Mais, têtue, avec une
seule idée en tête danser, danser, danser, elle ne donne pas suite.
La danse plutôt que Miss Internationale
« Je ne regrette pas Miss France en revanche je me dis que j’aurais dû
participer à ce concours ». Au Japon, elle se consacre alors totalement
à sa passion. Puis, elle vit quatre ans à Guam avec la troupe, avant de
s’installer deux ans en Nouvelle-Calédonie, une île qu’elle adore. Elle
y rencontre Gilles Hollande qui lui propose d’intégrer Les Grands
Ballets.
En 1979 Jeanne Burns s’installe en métropole après dix mois avec la
troupe. Ce n’était pas vraiment prévu étant donné ses premières
impressions, mais l’amour est passé par-là. « Dans la troupe des Grands
Ballets il y avait un métropolitain. C’était pour moi ! »,
rigole-t-elle. Après quelques années en tant que régisseur, Christian
Drouet, a quitté Les Grands Ballets pour devenir régisseur principal du
Lido sur les Champs Élysée. Il va rechercher sa dulcinée en Autriche.
« Je n’osais pas prendre le train seule ». Par ce geste, il lui montre
combien il tient à elle. Elle quitte Sarrebourg avec lui pour Paris.
Elle apprend à aimer sa terre d’adoption. « Je connais mieux la France
que lui mais, en revanche, il connaît mieux les îles », sourit-elle. Un
an après son arrivée elle intègre un petit groupe de danse « pour le
plaisir », Vahine Tahiti. Sans la danse Jeanne Burns ne peut pas vivre.
Quelques mois après Gilles Hollande arrive à Paris avec Les Grands
Ballets pour se produire à L’Éléphant Bleu. Elle fait son retour dans la
troupe pendant deux ans jusqu’à ce que le contrat avec le cabaret se
termine et qu’une partie des danseurs décide de rester. Elle se joint à
eux et devient secrétaire du patron de L’Éléphant Bleu qui ouvre une
agence de spectacles.
En 1986 elle tourne la page. Mais Jeanne Burns ne peut pas arrêter de
danser. Alors elle entre dans « une troupe de copain », Anake’e, pendant
un an. Elle travaille ensuite dans une chocolaterie comme vendeuse. « Je
voulais savoir faire autre chose que danser ».
Professeur de danse
Elle décide aussi de transmettre son don. De 1986 à 1995 elle donne des
cours de danse privés chez les particuliers et répond aux appels des
quelques troupes parisiennes (Fetia Tahiti, Théo…).
En 1995 elle commence à organiser des cours de danse à la Délégation du
boulevard Saint-Germain. Peu de temps après c’est au tour du centre
d’animation des Amandiers de faire appel à ses services. En tout c’est
environ cent femmes de 5 à 60 ans qui viennent à ses cours. Elle se
souvient de deux hommes retraités qui sont venus à quelques cours. « Ils
ont fini pas arrêter pour faire du tango et de la valse ».
Jeanne partage toujours sa vie avec Christian. Ils ne sont pas mariés.
« A chaque fois que je partais en tournée avec un groupe il me demandait
en mariage. Et puis, à mon retour il n’osait plus, parce que je n’ai
jamais été très favorable à l’idée ». Sans doute son côté rebelle.
Bio Express
13 juin 1971 : « Mon élection à Miss Tahiti. Finalement cela n’a rien
changé du tout. J’étais très amoureuse à l’époque. Je n’avais en tête
que mon petit ami et la danse avec Claire ».
1972 : « Élection de Miss France. Quand je suis montée dans l’avion, je
me suis dit c’est la première fois que je pars, ce ne sera pas la
dernière. A Paris, j’étais tristounette car le temps était gris. On
était logé au Club Med. Ca m’a fait drôle de me retrouver avec toutes
ces filles. C’était la première fois que je côtoyais d’autres personnes
que des Tahitiens ou des demis de chez moi. Je suis restée naturel. Ça
c’est très bien passé ».
1978 : « La tournée avec Gilles Hollande qui m’a permis de rencontrer
Christian. Après avoir quitté le groupe il est venu me chercher en
Autriche. C’était une grande preuve d’amour ».
1995 : « L’année de mes premiers cours à la Délégation. J’avais commencé
par des petits cours privés pour des tahitiens. Là, je passais à la
vitesse supérieure ».
Zoom
La première à monter sur le podium de Miss France
Qui se souvient que Jeanne Burns a été première dauphine de Miss
France ? Pas grand monde. Miss Tahiti oui. Elle a bien participé au
concours et l’a remporté. Mais Miss France ? Jeanne Burns sur le podium,
à la deuxième place. Oui, pas moins que ça. Première dauphine. Et bien
malheureusement cet événement est pratiquement tombé dans l’oubli.
Au Comité Miss Tahiti, pas de traces. Dans la communauté polynésienne de
Paris et parmi ceux qui côtoient la Miss on ne s’en souvient pas. Même
les plus assidus aux concours de Miss, pour ne pas dire les fans, ont la
mémoire qui flanche.
Pis, Geneviève de Fontenay capable en un clin d’œil de redonner le nom
de la gagnante 1972 a zappé sa suivante. Xavier de Fontenay a accepté
pour les Nouvelles de ressortir le dossier de la candidate polynésienne
à l’élection de 1972. Qu’y trouve-t-on ? Des articles de presse
annonçant le concours. On y voit même Jeanne Burns seule candidate en
illustration. Mais aucune trace, aucun article faisant référence au
résultat final. Sur Internet, elle est inconnue au bataillon du concours
Miss France. Les archives de votre quotidien en étaient quant à elles à
leur début, donc pas de Jeanne Burns chez Miss France. Dans d’autres
quotidiens régionaux, la Voix du Nord ou encore Nice Matin ne figurent
pas d’articles sur l’élection. Il a fallu contacter un autre quotidien,
l’Union de Reims, pour enfin avoir confirmation. L’élection du 31
décembre 1972, s’étant déroulée à Épernay le journal avait couvert la
manifestation. Et là finalement, oui, Jeanne Burns a bel et bien été
première dauphine de Miss France. Ne dit-on pas que l’histoire ne se
souvient que des gagnants ?
Un article de David Martin,
Correspondant à Paris des Nouvelles de Tahiti et des Nouvelles
calédoniennes
67, rue Montorgueil - 75 002 Paris - Tel : 06 64 19 48
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