
Le grand
sorcier, qui connaît le secret des étoiles, l’avait prédit bien
longtemps, à l’avance. Si longtemps, que les hommes, insouciants,
avaient oublié. Pourtant elle vint, cette sécheresse impitoyable qui
brûla les rivières. Nulle part, il n’y eut plus d’eau douce. Ni pour les
animaux, ni pour les hommes. Même les cascades cachées, les sources
profondes avaient disparu et la soif terrible se faisait cruellement
sentir.
Un jour, le Woobat, qui est une sorte de cochon sauvage, était en train de
creuser un trou dans la terre sèche , avec l’espoir de trouver un peu de
fraîcheur. Il déplaça une très grosse pierre, et du trou de cette pierre
jaillit une source d’eau limpide, qui se répandit sur la terre
craquelée.
Aussitôt, tous
les animaux, alertés par ces mille petits signes qui sont leur langage,
accoururent pour se désaltérer et burent avec respect de cette eau
miraculeuse qui était leur vie.Tous furent sages et prudents : l’eau
était rare et il fallait la ménager. Ils s’arrêtèrent vite de boire.
Tous, sauf un. Le grand serpent. Il but, il but, il but le ruisseau tout
entier. Les autres animaux essayèrent de l’en empêcher. Mais rien n’y
fit, et leur colère augmenta avec leur impuissance. Et les animaux
tuèrent le grand serpent qui avait bu toute leur eau. Et l’esprit du
serpent s’envola vers le ciel.
Quelques jours
plus tard, les bêtes assoiffées virent s’agiter dans la poussière de
tous petits serpents qui venaient de naître. Le Kiwi aurait bien voulu
les manger, mais le Kangourou s’interposa :
- Attends! Ils sont trop jolis, ces petits serpents, avec leurs couleurs
vives. Nous allons les mettre à l’ombre d’une pierre. Peut-être
pourront-ils y vivre.
Quand le grand
serpent, dans le ciel, vit les soins dont ses petits étaient entourés,
il s’attendrit et, se parant de merveilleuses couleurs, il renvoya aux
animaux toute l’eau qu’il leur avait bue.
Et la pluie
remplit les bouches, les poitrines, les rivières.
Aussi, chaque fois que dans la
poussière on trouve un petit serpent égaré, il faut en prendre grand
soin, si l’on veut que dans le ciel son grand-père envoie de l’eau pour
faire chanter les cascades.
Illustration : Peinture à l'huile (30X40 cm) par
Claudia Gacek
: "La légende de l'arc en ciel"